Les derniers événements tragiques pour toutes les populations occupant la région palestinienne ont focalisé notre attention sur ce que certains appellent une guerre, nous forçant dangereusement à prendre position pour l’un des deux camps ! D’un côté un État israélien, 15e puissance armée au monde et de l’autre côté un « État » sans gouvernance effective sur le territoire concerné (Mahmoud Abbas élu en 2005 a clôturé son mandat en 2009), avec comme force armée le Hamas défendant une Palestine libre et non pas un État palestinien. Or, pour qu’une guerre soit, il faudrait qu’il y ait au moins deux États et deux armées… Nous assistons plutôt tristement à la suite du nettoyage ethnique commencé en 1948 par des « représentants » d’un État en devenir qui utilisent la colonisation de peuplement comme arme constitutionnelle. Ce nettoyage ethnique, que les Arabes ont nommé « Nakba », a été presque entièrement extirpé de la mémoire collective mondiale, et effacé de la conscience du monde.
Notre syndicat n’a participé ni aux actions de soutien au peuple palestinien ni aux actions contre le peuple israélien, il a néanmoins une position dans ce « conflit ». Il se doit de l’exprimer devant la montée de « l’antisémitisme1 » ou plutôt de la judéophobie, de l’islamophobie et du racialisme2 et de son instrumentalisation par une boite de pandore médiatique alimentée par des analyses tronquées, venant de l’extrême droite à l’ultragauche, du fait de leurs idéologies qui leur interdisent de remettre en cause la raison d’être de l’État.
Montée de la xénophobie qui se voit récurrente, liée aux grosses opérations militaires du colonialisme israélien. Certains nieront ou minimiseront au passage le caractère intrinsèquement colonial de l’État d’Israël en tant qu’État refuge des Juifs face à l’antijudaïsme mondial ; participant ainsi malgré eux à l’idéologie dominante qui en fait un État non intrinsèquement colonial et qui fait du mouvement pro-palestinien ou antisioniste un mouvement tendanciellement judéophobe.
Instrumentalisation de la xénophobie par les gouvernements d’États occidentaux et d’Israël pour justifier les crimes du colonialisme des gouvernements israéliens et la répression du mouvement pro-palestinien, au prix d’une minimisation ou d’une négation de la montée de l’antijudaïsme en France.
« Eretz Israël, le nom de la Palestine dans la religion juive, avait été vénérée au fil des siècles par des générations de Juifs en tant que lieu de saint pèlerinage, jamais comme futur État séculier. Leur tradition et leur religion demandaient clairement aux Juifs d’attendre la venue du Messie promis, à la «fin des temps», pour revenir en Eretz Israël en tant que peuple souverain dans une théocratie juive, c’est-à-dire en obéissants serviteurs de dieu (c’est pourquoi aujourd’hui, certains courants juifs ultra-orthodoxes sont non sionistes ou antisionistes). Autrement dit, le sionisme à laïcisé et nationalisé le judaïsme.3».
Une religion en remplace une autre, le nationalisme accompagne toujours l’État en gestation !
En 1947, une commission spéciale (l’UNESCOP) de l’ONU décida de privilégier la partition (en deux États) comme principe directeur de la solution. Le projet qui deviendra la résolution 181 proposait que les 42 % du territoire palestinien forment une partie de l’État palestinien et que les 56 % restants constituent l’État israélien, le reste étant une enclave à se partager autour de Jérusalem, placée sous administration internationale. Les gouvernements arabes et la direction palestinienne trouvant ce projet injuste et illégal (les sionistes n’occupant que 10 % des terres) décidèrent de boycotter les accords et de ne pas participer aux négociations. Les dirigeants sionistes refusèrent le plan, ne voulant pas de mixité sociale sur leur futur territoire et allèrent jusqu’à demander 80 % du territoire palestinien lors des négociations. Le rejet du plan permit à Ben Gourion et à la direction sioniste de soutenir que le projet de l’ONU était caduc dès le jour de son adoption – à l’exception des clauses qui reconnaissaient la légalité de l’État juif en Palestine.
Les dés étaient jetés : si l’État juif ne pouvait pas se construire par la résolution, il se construirait par la force, dès avril 1948 en appliquant le « plan Daleth ». Ainsi, la machine étatique se met en marche et obligera la moitié de la population indigène palestinienne (750 000) à l’exode. Pour l’inciter à fuir, l’armée israélienne n’hésitera pas à tuer hommes, femmes et enfants lors de ses attaques planifiées et dévastatrices de villes et de villages, rasant la moitié de ceux-ci de la région palestinienne.
Pour construire cet État, il fallait coloniser. Deux solutions se présentaient : soit intégrer (c’est-à-dire exploiter), soit exclure (c’est-à-dire éliminer) les populations autochtones. Le choix s’est arrêté sur l’élimination, de façon à avoir une économie dépendant uniquement de Juifs – donc imperméable au problème de lutte de classe nuisible au nationalisme – et aussi au regard des expériences étatiques mondiales de colonisation.
Pour comprendre ce choix, il suffit de regarder par exemple la colonisation de l’Algérie où déjà en 1947 il y avait des revendications indépendantistes et nationalistes fortes, où les colonisés ont été « intégrés » par le travail dans l’économie française. Les colonisés qui avaient par la grève une arme déterminante contre les colonisateurs ont réussi à virer ces derniers par un nationalisme plus efficace que la lutte de classe pour faire un État. Alors que si nous regardons du côté des États-Unis où le choix de l’éradication des populations amérindiennes fut adoptée, la colonisation a survécu et même prospéré. Ce dernier type de colonisation de peuplement assure donc la pérennité de l’implantation…
Mais le gouvernement fédéral des États-Unis, dont la population est en majorité protestante, n’est pas le seul à avoir choisi le nettoyage ethnique comme solution à leur implantation ou extension. Le gouvernement du Canada, à la population en majorité catholique, a sacrifié les autochtones ; le pouvoir politique de la Chine, dont la population est « athée », a décimé les Ouïghours ; le gouvernement de l’Australie, à la population en majorité catholique, a liquidé les aborigènes ; en Afrique du Sud les afrikaners protestants calvinistes, ont abattu et supplicié les populations noires ; le gouvernement de France, à la population en majorité catholique, a jugulé les Kanaks ; idem pour le gouvernement (sans oublier le roi) du Maroc, à la population musulmane, envers les Sahraouis…
Il ne s’agit donc pas d’un problème de religion, mais bien d’un problème de colonisation que posent tous les États, lesquels se sont tous construits par la violence, le vol et la rapine en s’appropriant ou détruisant tout ce qui est utile à leur croissance égoïste.
La seule solution que nous entrevoyons serait que la colonisation de peuplement soit reconnue universellement comme fléau et qu’une proposition de restitution des terres soit proposée aux autochtones, sans expulsion des occupants actuels et avec des réparations, des compensations, des dédommagements, un travail mémoriel, la fin des privilèges coloniaux, etc.
Ainsi les projecteurs ne seraient plus tournés vers le « conflit » israélo-palestinien et cela éviterait les dérives xénophobes qui sous-entendent judéophobie, islamophobie et racialisme et qui font le régal des politiques avides de pouvoir.
Mais, si cette solution nous paraît être la seule applicable, nous ne pouvons guère espérer de la voir appliquée face au rapport de force qu’opposeront les États par leur gouvernement à sa réalisation. Il nous faut donc œuvrer à une transformation radicale de l’organisation politique et économique.
C’est ce que nous proposons, nous, les travailleurs salariés de cette planète, par une union sous forme de fédération de type anarchiste et donc gérée par sa base avec pour ciment l’entraide, pour en finir avec la guerre, l’exploitation, l’injustice, la misère…
Abolition des États, des armées !
Abolition du capitalisme qui leur permet d’exister !
Réparation des torts causés à tous les colonisés sans expulsion des colonisateurs !
1 « Il n’existe pas de race sémite, et pas davantage de race aryenne, les racines du terme « antisémite » plongent dans l’escroquerie essentialiste provenant principalement de politiciens populistes désireux de donner une circonstance « scientifique » à une vieille phobie. ». In Une race imaginaire courte histoire de la judéophobie, Shlomo Sand, Seuil, mars 2020, p. 13. Et pour nous il n’y a qu’une race, la race humaine !
2Tous ces termes auraient pu se rassembler sous le vocable xénophobie, qui n’est pas une maladie : « le langage de haine a, certes, des origines psychologiques profondément ancrées dans le comportement humain, mais les explosions perverses dépendent toujours de processus idéologiques au long cours, d’une part, et de situations socioéconomiques et politiques, d’autre part. Si à la base de toute haine de l’autre, gît la peur, celle-ci ne constitue pas l’unique ingrédient de toute expression de malveillance. Les complexes d’infériorité et l’arrogance, la jalousie et l’inculture, la soif du pouvoir et l’exploitation des rapports de force, la souffrance, la recherche d’un bouc émissaire, et bien d’autres manifestations mentales bien connues emplissent la xénophobie et alimentent pleinement la judéophobie. ». Ibidem,p. 14.
3Ilan Pappé, Le nettoyage ethnique de la Palestine, Ed. La fabrique, avril 2024, p. 39.