Toi qui nettoies, balaies, sers, construits, répares, fabriques…

Bref, toi qui trimes, qui vends ta force de travail.

Tu n’as pas la même couleur de peau que moi, pas la même culture ou la même langue d’origine, pas le même genre…

Et alors ? On ne subit pas toutes et tous les mêmes contraintes, les mêmes humiliations, la même exploitation ?

Tu te dis que ça a été toujours comme ça, qu’il faut fermer sa gueule, par peur du licenciement, de la pauvreté. Qu’il faut se soumettre à ces conditions qui te sont imposées. Imposées par qui ?

Il faut que tu saches ce qui te domine. Comment ça fonctionne le capitalisme ou plutôt le système Étatique capitaliste. Car tu as soif de justice et de stabilité donc au fond de toi tu ne peux être qu’anticapitaliste.

Ce qui va suivre n’est pas forcément facile à digérer, mais nous pensons que pour combattre ce système efficacement il faut au moins en connaître ses mécanismes ! Alors, accroche-toi !

Le capitalisme n’a pas toujours existé !

On te le dit « l’argent, les banques, c’est vieux comme Hérode », bref ça a toujours existé, autrement dit, on a tendance à les naturaliser. Mais, cette naturalisation masque la spécificité du capitalisme, spécificité que nulle économie au cours du temps n’a pratiquée. Car, jamais avant l’émergence du capitalisme et de l’État moderne, le salariat n’a existé et donc jamais personne n’avait été payé par rapport aux nombres d’heures qu’il exécute.

Si ton travail fabrique concrètement des marchandises, sa valeur est dorénavant fonction du nombre d’heures effectuées par les salariés de l’entreprise. La valeur de la marchandise n’est donc pas son utilité, car l’unité de temps dirige dorénavant la production et donc ton travail en devient abstrait. Cette abstraction, le travail ou le nombre d’heures que tu fournis par ta force de travail en transformant de la matière, permet désormais de calculer en amont la valeur de la marchandise à produire. Ce qui change tout !

La valeur prend naissance dans la sphère de production, devient concrète sous forme d’argent dans la sphère de circulation. Le capital est investi et réinvesti sans cesse et s’automatise en réalisant ce cycle.

Ainsi ton travail, dans ce monde étatique capitaliste, est tout autre chose que simplement cette activité nécessaire à ta socialisation tout en cherchant à satisfaire tes besoins biologiques et tes objectifs plus ou moins élaborés. La force de travail est la marchandise clé de la production de marchandises et le point clé de la circulation de la valeur. Peu importe que le travail serve à produire des pesticides, à abattre des arbres ou à fabriquer des bombes ; seule compte la valeur que ce travail aura ajouté dans le circuit.

Le capital ne s’investit pas au hasard, mais en fonction de la rentabilité et de la concurrence devenue mondiale. La seule variable dont il dispose pour faire baisser les coûts de production est de jouer sur le capital variable et donc sur le travail abstrait. En gros, soit le nombre d’heures de ta boîte sera diminué en assurant la même production (tu deviens multitâche ou tu pointes au chômage), soit il faudra produire plus (et vendre plus) dans le même nombre d’heures ou en augmentant le nombre d’heures, le tout aidé par l’acquisition de machine ou de logiciel (tu frises le burn-out ou tu rejoins les travailleurs sans emploi). Dans tous les cas, la valeur de la marchandise diminue (c’est le but) et donc la survaleur (ou plus-value) diminuera, il faudra donc produire plus et vendre plus. Mais la concurrence en faisant de même pour diminuer ses coûts rend perpétuel le « jeu » de restructuration, licenciement, jusqu’à fermeture ou rachat de l’entreprise dont le capital investi ne sera plus rentable.

La solution pour le Capital, c’est le crédit

Le surdéveloppement des circuits financiers était l’instrument nécessaire à la restructuration des années 1970/80 (délocalisations, essor du commerce international, une nouvelle mondialisation financière), car le marché des pays favorisés (Europe, Amérique du Nord et Japon) est saturé. N’arrivant plus à écouler la marchandise, il y a risque de crise : la production se poursuit, mais la vente diminue drastiquement, le capital s’appauvrit… La survaleur n’est plus suffisante pour les capitalistes ayant engagé des capitaux, il y a embouteillage, l’argent qui n’est que la forme concrète de la valeur risque de ne plus circuler (restructuration, licenciement). La solution, le crédit via le Front Monétaire International (institution gérée par un conseil des gouverneurs principalement composé de ministres des Finances ou de dirigeants des Banques centrales) qui permettra, grâce à la monnaie que seules les banques d’État peuvent fabriquer, la relance de la consommation des populations par l’intermédiaire de prêts accordés aux et par les banques commerciales. Une autre mondialisation est née, la valeur se répand de ses artères vers des millions de va(i)ss(e)aux. Mais tout crédit est du travail en devenir que seule la production peut fournir en faisant suer sang et eau, nous autres, les salariés des quatre coins de la planète. Et la finance ne s’avère finalement qu’une béquille qui n’empêchera pas certains domaines de l’industrie, en surproduisant ou faute de nouveauté, de saturer des secteurs du marché, provoquant de nouvelles crises…

L’État, principal acteur du capitalisme

Les États modernes sont inscrits dans un système mondial constitué de multiples États locaux, structurés dans des réseaux de rapports complexes de domination et de subordination et sont indissociables du capitalisme. Outre qu’ils ont permis son essor, c’est par les taxes, les contributions, les impôts que nous les nourrissons à travers la consommation, le salariat et la succession, c’est par nos activités diverses que nous entretenons la richesse financière des États ; c’est en obéissant à leurs lois, normes, règlements, admonestations que nous nous plions à leur violence (fondement réel de tout principe souverain) qu’ils prétendent légitime. La nouveauté du système étatique capitaliste, c’est qu’il est la fusion de la coercition et de l’économie politique, qu’il organise la valorisation de la valeur et l’extorsion de la survaleur qui en découle, qu’il est le garant de la dette souveraine (et cela pour les mêmes raisons qui font de lui le garant de l’ordre : parce qu’il dispose du monopole de la force) et en même temps qu’il dissocie la figure du travailleur. Celui-ci s’il veut d’une part un minimum de protection doit être subordonné ; d’autre part pour être affranchi le travailleur se voit soumis au marché et à l’esclavagisme du marchandage. La spécificité contemporaine est qu’elle combine avec un extrême raffinement l’enclume du salariat et le marteau du marché.

La domination du politique sur l’économique s’exerce donc comme un pouvoir double : la main qui se présente comme protectrice est la main qui nous domine et nous exploite.

La lutte de classe est implicite dans le système Étatique capitaliste

Si nous, les salariés, sommes exploités par le patron, la domination, elle, se réalise sur ces deux protagonistes par la recherche de la valorisation de la valeur qui anime ces deux acteurs du capitalisme. L’un par une obligation de survie régie par un contrat léonin en essayant d’arracher le plus de monnaie possible à la survaleur, l’autre pour maintenir son entreprise en vie en générant toujours plus de survaleur et pour conserver son pouvoir ainsi que son train de vie privilégié. Une position antagoniste qui caractérise la lutte de classe telle que nous la concevons : l’un possédant l’outil de travail, l’autre non !

Mais si, nous, les salariés dans cette lutte de classe avons pour seul objectif une répartition égalitaire de la survaleur, notre combat est perdu d’avance. Car, tant que l’argent (forme matériel de la valeur) existe, c’est bien la preuve irréfutable qu’il y a exploitation. Son existence suppose l’inégalité de sa répartition. Et, si l’égalité était posée d’emblée dans un processus collectif de création de la richesse commune (la manière dont on produit détermine ce que l’on produit dans sa forme comme dans ses buts), alors c’est la nécessité même de l’argent qui disparaîtrait immédiatement.

Notre responsabilité en tant que principal acteur du système Étatique capitaliste

De par cette lutte implicite, nous, les salariés (3 milliards environ) avons donc une responsabilité sur l’orientation de notre lutte qui ne peut être que collective. D’aucuns, parmi nous, prônent l’autogestion qui, en vérité, ne serait que l’autogestion de la circulation de la valeur et donc l’autogestion de sa propre exploitation. Prendre ainsi le pouvoir dans l’entreprise, c’est nécessairement se condamner à la gérer selon les lois du capital. Notre responsabilité est d’autant plus grande que ce système étatique capitaliste fomente des guerres aux quatre coins du monde ; faute d’innovation, la vente d’armes est une source de profit, et à terme cela permet aux entreprises des pays « va-t’en guerre » d’écouler leur surplus de marchandises. Il est plus lucratif d’organiser le massacre que de résoudre le problème de famine qui touche près d’un milliard d’humains !

Le dépassement de la valeur est donc le dépassement de toutes les formes qui la font exister : État, capital, argent et aussi les classes sociales. Pour que nous les salariés abolissions le rapport social capitaliste, il nous faudra abolir notre classe sociale nous-mêmes, en tant que pôle de ce rapport, au cours de nos luttes pour nos intérêts immédiats et contre le capital.

Nous ne pouvons plus nous contenter d’une logique électorale qui finira par amener le pire au pouvoir, car hier comme demain, nous sommes affamés de rêves et d’utopies, repus par cette indigestion de réalisme absolu qui nous conduit à l’insomnie et aux addictions d’opiacées comme d’antidépresseurs.

Dans l’archipel des luttes et des mobilisations et en premier lieu celles qui opèrent sur les lieux professionnels, nous nous devons d’« unir ainsi une vue pessimiste du monde et un profond optimisme en l’homme » comme disait Camus (La Crise de l’Homme, conférence 28 mai 1946). En s’auto-organisant, en se syndiquant, en s’entraidant, de manière autonome sur la base du principe fédéraliste anarchiste à l’opposé des bureaucraties paritaires qui font ami-ami avec le patronat et avec l’État comme avec les marchands de guerre de tous les continents, nous avons une chance de dégager ensemble des voies de sortie de ces structures oppressives.

Ainsi l’anarchosyndicalisme peut être perçu et vécu comme une stratégie qui demande à être déployée et propagée. La question du comment est tout l’objet de la discussion.

Abolissons le salariat ! L’État ! Le capitalisme !

Fédérons-nous planétairement sur une base de commune libre !

Union régionale Rhône-Alpes Méditerranée