Années 60 : mise en place d’un régime de chômage spécifique des « intermittents du spectacle » qui ne concerne que peu de salariés, les entreprises culturelles fonctionnant plutôt avec des personnels permanents.
La classe ouvrière va au paradis
Au cours des 30 années suivantes, on a assisté à un accroissement général du chômage ; la « politique culturelle » de l’État a subventionné des productions « en marge ».
L’ensemble a entraîné la multiplication des compagnies et des spectacles, provoquant une augmentation considérable de l’emploi intermittent.Les voleurs
Les employeurs ont pu pratiquer à leur profit le « zéro stock » humain (flexibilité) ; de plus, la déclaration à l’ASSEDIC de cachets « gonflés » et le non paiement de chaque jour travaillé reportent sur les indemnités une partie du salaire des intermittents. Un chantage se met insidieusement en place : tu travailles « au noir » si tu veux du boulot.
Nous nous sommes tant aimés
Depuis la fin des années 90, les mobilisations pour une défense du régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle ont pu réunir à la fois salariés et patrons dans une position corporatiste.
« Qu’est-ce que le corporatisme ? Corporatif s’applique à une chose (organisation, action) spécifique à un corps de métier. Le terme corporatisme désigne, lui, une doctrine qui préconise une société fondée sur la communauté d’intérêts entre patrons et salariés. Le régime de Vichy, avec sa Charte du Travail, est un excellent exemple de l’application de cette doctrine.[…]
Le syndicalisme se fonde sur une idée diamétralement opposée : celle que tous les travailleurs ont en commun d’être spoliés du produit de leur travail par leurs patrons, et que c’est en s’unissant et en s’organisant par eux-mêmes qu’ils mettront fin à cette exploitation. »
Du côté de chez l’autre
La flexibilité et la précarité ne concernent pas que les intermittents du spectacle mais tous les salariés, de tous les secteurs d’activité (y compris la fonction publique) depuis longtemps maintenant.
La société du spectacle
On est donc « dans une situation où l’antagonisme des classes sociales est absorbé par un intérêt supérieur, celui de la culture qui, en fait, n’est que l’intérêt de l’entreprise culturelle » ; « la défense de la culture [semblant] être la conclusion de deux prémisses : c’est une bonne chose et [elle] est en danger. »
« Le prolétaire se trouve donc contraint, au nom de la défense de la culture, de défendre non pas son droit au travail et à la rémunération qui devrait en découler, mais de défendre l’emploi de façon générale dans son secteur. »
L’aventure, c’est l’aventure
« ce n’est qu’unis face à nos exploiteurs – et non pas avec eux – quel que soit le secteur d’activité ou le pays où nous travaillons, que nous pourrons dépasser la revendication elle-même, en abolissant le salariat, condition nécessaire à l’avènement d’une société sans classes. »
Le MEDEF annonce qu’il veut supprimer le régime spécifique des intermittents.
Les syndicats représentatifs « sauvent » ce régime en négociant un accord qui grignote encore un peu les droits des travailleurs.
La CGT ne signe pas l’accord et appelle à la mobilisation quand le seul recours est de demander au gouvernement de ne pas agréer l’accord.
Malgré les vives promesses de soutien aux intermittents du spectacle affirmées par certains membres du gouvernement, celui-ci ne peut remettre en cause une décision issue du « dialogue social » qui lui est si cher.
Le mal aimé
Ce qui mobilise les intermittents, notamment derrière la CGT Spectacle et la CIP (Coordination des Intermittents et Précaires), n’est pas tant dû aux nouvelles mesures (essentiellement le différé d’indemnisation) qu’au fait de ne pas revenir sur l’accord de 2003 qui avait durci l’accès à ce régime spécifique et de ne pas tenir compte des propositions élaborées par le « Comité de suivi de la réforme du régime d’indemnisation chômage des intermittents »**. Ces propositions se veulent plus « justes » (annexe unique, retour aux 507 heures sur 12 mois et à la date anniversaire) ainsi que génératrices d’économies (baisse du plafond du cumul salaire/indemnité).
Y’a le printemps qui chante
Si le printemps et l’été 2014 n’ont pas vu l’avalanche d’annulations de festivals qu’ont connu ceux de 2003, nombre de spectacles ont été annulés pour cause de grèves.
Ne voulant pas remettre en cause cet accord, le gouvernement, après l’avoir agréé le 24 juin, essaye de calmer le jeu en suspendant le différé d’indemnisation, mesure compensée par un financement de l’État. Il met aussi en place des « tables rondes » réunissant, outre les partenaires sociaux, la CIP et des employeurs du spectacle. Ces rencontres ne sont, bien entendu, pas décisionnelles et les professionnels du spectacle y seront au mieux écoutés par les représentants légaux des salariés et des patrons. Ces derniers n’entendent aucunement céder leurs prérogatives de négociateurs à quiconque ni rediscuter quoi que ce soit avant la prochaine négociation prévue en 2016.
C’est la même chanson
L’accord du 22 mars ne concerne pas uniquement le régime spécifique intermittents du spectacle (annexes VIII et X). Il continue, dans la lignée des précédents accords, à casser tous les régimes spécifiques qui concernent les salariés en emploi temporaire comme celui des intérimaires (Annexe IV). Dans le même temps, pour le régime général, l’accord facilite les formalités administratives de « ceux qui alternent période de chômage et de travail de courte durée » en diminuant globalement les indemnités.
Il s’agit bien d’adapter l’assurance chômage à la généralisation de la flexibilité et de la précarité tout en augmentant la pression sur les salaires.
Au-delà du chômage, c’est toute la protection sociale des salariés qui est régulièrement attaquée. Comme l’assurance chômage, l’assurance maladie, les retraites sont chroniquement « mises en péril » par un déficit en grande partie dû aux exonérations de cotisations accordées aux patrons. À chaque fois une réforme est sensée « sauver » la caisse en diminuant les prestations des ayants droit. À chaque « réforme » ces caisses de prévoyance, au départ basées sur un principe mutualiste, tendent à se transformer en assurances individuelles.
Le lundi au soleil
Que nous travaillions ou que nous ne travaillions pas, nous serons toujours trop chers pour les patrons et l’État. Aujourd’hui, ce sont eux qui mènent l’offensive dans la lutte des classes pour reprendre ce qu’ils avaient pu nous concéder. Ce continuel bras de fer pour acquérir ou défendre quelques miettes ne cessera qu’avec le destruction du capitalisme.
Seule une révolution sociale nous permettra d’en finir avec le salariat, le patronat et l’État, pour enfin vivre libres sans argent, sans propriété privée, sans exploitation ni domination.
Vive l’anarchie
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** Ce comité, créé en décembre 2003, a été réactivé en 2013. Il est constitué d’organisations professionnelles du secteur : syndicats de salariés et organisations patronales (CGT Spectacle, SUD Culture, SYNDEAC …), de coordinations (CIP) et de parlementaires de tous bords.
Les passages en italiques sont extraits de cette brochure.