La carrière de Bugangue : c’est toujours NON !

C’est à trente kilomètres de Pau que se situe Aramits, un village de la vallée de Barétous. Les petites maisons traditionnelles en pierres et les grandes collines verdoyantes font de la vallée un endroit idyllique pour les habitant-e-x-s et les randonneur-euse-x-s qui circulent sur le piémont béarnais. Françoise, Anne et d’autres font parties des habitant-e-x-s du quartier de Bugangue, un lieu qui sillonne la forêt du même nom et une partie du site des Pernes. Impossible de ne pas passer devant une maison tous les trois-cents mètres accompagnés de vaches béarnaises et d’un doux vent montagneux. Les villageoi-se-x-s se sentaient bien dans ce cocon naturel béarnais jusqu’à qu’ils apprennent la mise en route d’un projet de carrière d’extraction de lherzolite par la mairie d’Aramits. Cette mine à ciel ouvert permettrait à un entrepreneur de lancer sa carrière (notez le jeu de mot), toutefois déjà marquée par son poste de gérant au sein de la société Ophites de Barétous.

La roche exploitée est connue pour sa forte résistance même sous sa forme granuleuse et elle servirait à des revêtements routiers. D’après le rapport « Résumé non technique de l’étude d’impact » rédigé par S.A.R.L. Ophites de Barétous et la commune d’Aramits, la lherzolite conduirait vers des travaux d’aménagement de la liaison routière RN.134 Pau-Oloron-Le Somport ainsi que « le contournement d’Oloron, la déviation de Gurmençon et d’Asasp, etc …, ». Ce manque de précision ne cacherait-il pas l’envie de ré-impulser le projet de l’autoroute A650 Pau-Oloron abandonné en 2008 ? Un projet aux bons nombres d’opposants et aux conséquences désastreuses sur l’environnement ?

C’est le profit qui donne l’eau à la bouche des lobbys carriéristes. Nous savons très bien ce qui les anime : profiter de tous le monde pour extraire le massif jusqu’à la dernière pierre. Tant pis si les risques de pollutions d’amiantes sont élevés, si la forêt de Bugangue est composée d’espèces animales et végétales rarissimes, si des sources alimentent les villages d’Aramits ou d’Agnos et si le lieu est comblé par des histoires sociales fortes.

Les amis de Bugangue est l’association qui s’est formé en 2007 avec des habitant-e-x-s du quartier de Bugangue. Depuis dix ans maintenant, illes luttent sans relâche contre la carrière, ce qui leurs a valu d’être souvent dans des situations compliquées. La directrice de l’association, Françoise, s’en souvient très bien. Du haut de ses soixante-huit ans, elle nous décrit avec précision le déroulement de l’affaire et affirme avec l’appui de ses compagnon-ne-x-s la violence que pouvaient avoir la municipalité d’Aramits envers eux, quitte à les prendre à parti verbalement ou à pratiquer des actes diffamatoires pour décrédibiliser la lutte : « Un jour, la mairie d’Aramits a photocopié nos tracts et les a lancé devant la mairie. On nous a ensuite accuser de pollution ! »

Aujourd’hui et ceci malgré le changement de municipalité (comme quoi!), la carrière est toujours d’actualité. Françoise avait pourtant bien prévenu le jeune maire, autrefois enfant du village : « Tu sais très bien ce qu’entraîne ce projet. Si tu le soutiens comme l’a fait l’ancien, on sera encore là pour être contre. » La carrière a installé autant de tensions dans les conseils municipaux que dans les foyers. Alors que certain-e-x-s furent contre le projet, illes se mirent à devenir pro-carrière, sans que l’on sache trop pourquoi. Chez d’autres habitant-e-x-s, on évite d’en parler pour ne pas envenimer les repas de famille.

Les amis de Bugangue luttent à leur façon. Certes, l’anarchisme fait profil bas face à des mécanismes hiérarchiques : une directrice d’association, des mairies anti-carrière etc. car la réalité est marquée par un héritage malheureux des institutions. Mais en allant au dessus de cette première vision de la lutte, on remarque une réelle solidarité entre les personnes, vieux ou jeunes, pauvres ou moyen. A Bugangue, le classisme et l’âgisme n’ont pas leur place quand il s’agit de lutter ensemble contre un projet menaçant.

Faudra t-il s’attendre à une confrontation des plus musclée avec le système capitaliste comme sur les ZAD ? Françoise, elle ne veut pas en attendre parler des zadistes. « Nous n’avons pas envie que cela tourne à la guerre civile » dit-elle. A ce jour, il n’y a pas encore de permis d’exploiter. Mais si la préfecture de la région donne l’aval, les ami-e-x-s de Bugangue devront sûrement occuper le terrain s’illes souhaitent préserver cet hameau de tranquillité. Dans ce cas-là, ce sera pour les individu-e-x-s la possibilité de prendre conscience des limites de l’État, après avoir parlé-e-x-s pendant des années et vidé-e-x-s toutes leurs forces au fil des conseils municipaux énervés.
F

*Zone à défendre
Plus d’infos : http://www.amisdebugangue.fr/