Au sujet de cette réforme des retraites, vous connaissez déjà de quoi il en retourne, ou si ce n’est pas le cas, vous pouvez trouver toutes les infos à de nombreux endroits. Aussi, nous avons choisi de partager nos réflexions issues de nos expériences de lutte. La question du légalisme peut sembler hors sujet ici. Mais, elle reste centrale quand se développent mouvements de grève et autres mouvements sociaux.

Ce que nous entendons par légalisme, c’est le respect absolu et borné de la loi, qui s’attache à la lettre et ne se pose pas la question de son sens. Cette démarche pose le respect de la loi comme supérieur aux questions de fond.

Dans nos luttes, nous voyons trop souvent des argumentaires dérivant vers une forme plus ou moins radicale de légalisme. Il faut lutter contre ce travers qui ne fait que renforcer le légalisme dans sa globalité en renforçant, au moins symboliquement, le pouvoir de la loi. Pour lutter contre la réforme, il faut arrêter de justifier nos combats par l’argument : « ils sont pas gentils car ils ne respectent pas les lois ».

De même, la voie électorale renforce le légalisme : « mais on ne l’a pas élu pour ça ! ». Et le pouvoir de répondre : « mais si, j’ai été élu pour ça », et personne ne peut y objecter. Tout mandat impératif est nul, selon la Loi. Et si la Loi dans une autre circonstance décide que le mandat peut être impératif, ça ne ferait que renforcer l’idée d’une bonne représentation bien dangereuse en soi.

La mythologie selon laquelle la loi protège le faible est l’inverse de la réalité. La loi légitime en général ce qui nous affaiblit, et les rares fois où elle nous sert, c’est quand elle est concédée grâce à des rapports de force qui nous sont favorables, à la marge par motivation personnelle ou par accident. Le plus souvent, intentionnellement ou non, elles légitime la majeure part des lois qui construise la faiblesse des « faibles ». La loi creuse l’inégalité entre le riche et le pauvre, le fort et le faible, le savant et l’ignorant1.

Par le passé, la critique du légalisme pur, loin d’être limitée à notre seul camp, faisait plutôt l’unanimité. D’ailleurs, il existe encore des cadres juridiques qui sont prévus pour désobéir à la loi. Vestiges de cette époque où l’on combattait encore les ravages du légalisme. Cette dérive ne se limite pas au passé. Les Etats européens les plus avancés dans le processus autoritaire (par exemple : Hongrie, Turquie et Pologne) restent légalistes et s’appuyent sur leur légalisme, outil important de la dérive autoritaire actuelle.

La répression des mouvements, dont celui-ci, s’appuie sur le cadre légal. Elle a déjà commencé à s’abattre de façon immonde. Notamment, grâce à des dispositifs parfaitement légaux ou que la légalité ne condamnera pas. La légalité des coups de matraques ne les rend pas meilleurs pour autant !

Avec les lois multiples, injustes, inutiles, obscures, nous répudions la légalité pénible, inique, tracassière et incertaine qui lui fait cortège. Nous constatons que, sous le prétexte de canaliser harmonieusement la vie sociale, la légalité nous étouffe ; plus encore, que la légalité nous tue !

Une société qui, pour vivre, aurait besoin de tels corsets légaux, aurait signé de ses propres mains son arrêt de déchéance et de mort.

1Nous vous conseillons à ce propos cette article illustrant la loi d’aujourd’hui et son application : https://contre-attaque.net/2023/01/28/un-sdf-affame-envoye-en-prison-pour-avoir-pris-a-manger-dans-une-cantine/